Le dîner de cabane à sucre est une tradition de mes employeurs. Plusieurs employés.es (et parfois, même des membres de leur famille), participent aux préparatifs. L’odeur des fèves au lard sature la pièce, 24 h avant l’événement. De la salade de choux au pouding chômeur, en passant par les crêpes et le fameux jambon, l’héritage québécois revit pour cette occasion. Vêtus de chemises à carreaux, nous partageons avec joie, reconnaissance et appréciation les mets et le moment, en témoignant notre gratitude envers celles qui ont cuisiné.
Cette année toutefois, à la proposition de notre directrice, nous avons adapté l’événement pour intégrer l’héritage culturel de deux de nos collègues. Le déjeuner colombien a donc précédé le dîner de cabane à sucre. Nos collègues ainsi que leurs familles, nous ont présenté la Colombie, de son drapeau à la salsa, en passant par la rivière aux sept couleurs et le tinto (café noir). Puis nous avons dégusté une variété de mets et découvert la place du fromage dans le chocolat chaud (tout un délice). Il y avait une effervescence tangible dans la salle et un intérêt sincère de mes collègues francophones de s’imbiber de la culture colombienne. L’enthousiasme était évident sur le visage de nos collègues allophones de parler de leurs racines. Ce fut émouvant. Alors que je vivais ce précieux moment, je me questionnais : à quoi ressemblerait le Québec si chaque milieu de travail était aussi inclusif?
Selon une étude faite par Deloitte :
- Le Canada perd jusqu’à 50 milliards de dollars en PIB non réalisé chaque année parce que les Canadiens.nes issus.es de l’immigration se retrouvent fréquemment dans des emplois qui ne correspondent pas pleinement à leurs compétences et sont incapables de trouver des opportunités qui exploitent pleinement leur savoir-faire.1
- Actuellement, seuls 61,5 % des Canadiens avec une incapacité légère sont actifs sur le marché de l’emploi, faute de manque d’accommodements (parfois minimes) apportés aux lieux de travail. 1
- En 2019, il y avait un écart de 4,6 points de pourcentage dans les taux d’emploi entre les travailleurs autochtones et non autochtones, avec une concentration disproportionnée des travailleurs autochtones dans des secteurs à faibles rémunérations.1
- L’écart salarial de 17,6 % pour les femmes passerait à 7,4 % avec une amélioration du système d’éducation préscolaire.1
- Les entreprises qui favorisent l’inclusion sont plus enclines à l’innovation, à la résilience et à la réussite sur le marché.1
Et si au lieu de questions telles que « Tu viens d’où? » qui sous-entend que la personne d’héritage non européen n’est pas chez elle, les gens apprenaient à découvrir les talents ou passe-temps de leurs collègues?
Qu’arriverait-il si le parrainage et l’offre de stages aux personnes issues de l’immigration devenaient monnaie courante dans les entreprises?
Que se passerait-il si la majorité des emplois étaient adaptés à la conciliation famille-travail-études?
Et si les cultures organisationnelles facilitaient la poursuite de l’emploi ou le changement de carrière au-delà de 65 ans (pour ceux qui en ont envie)?
Lorsqu’accessibilité, flexibilité et diversité deviennent réalité, le pays gagne en prospérité. Ceci est possible, une entreprise à la fois, un employeur à la fois, un collègue à la fois. Il faut initier les changements graduellement, tel un tout-petit qui apprend à marcher. Aucun parent ne s’attend à ce que son enfant de 15 mois se lève et participe au Défi Gérard-Côté. C’est un pas à la fois que la marche s’acquiert. Il en est de même pour l’inclusion en entreprise. JP Gladu, Anishinaabe, leader autochtone a dit : « La réconciliation est un voyage, pas une destination. » Il en est de même pour l’inclusion sur le marché de l’emploi.
1Tiré le 16 avril de :
Maranatha Okokon-Bassey
Conseillère en développement professionnel
Autiste en emploi